Les chiffres que publie Plastics Europe montrent que l’économie circulaire des plastiques enregistre des progrès notables en Europe et en France, malgré un contexte économique morose et des freins réglementaires.

Plastics Europe a publié ce jour son rapport bisannuel The Circular Economy of Plastics: A European Analysis. Cette édition inaugure un nouveau format, considérablement augmenté, qui inclut des données sur la production, la transformation et la consommation (nouveau) de plastiques tant issus de ressources fossiles que de ressources circulaires (nouveau). Le traitement des déchets plastiques y est analysé plus en détail (nouveau).


La production de matières plastiques européenne en difficulté


Avec 56 Mt1 produites en 2022, la part de l’Europe2 dans la production mondiale de matières plastiques (400,3 Mt) est tombée à 14% contre 22% en 2006 (53,9 Mt sur 245 Mt). Outre que la croissance de la production mondiale n’a pas bénéficié au Vieux Continent, l’évolution de sa production ces 2 dernières années (-10,3% en 2022 et -10,5% en 2023) montre que son industrie connait une perte de compétitivité préoccupante. Si la France semble mieux tirer son épingle du jeu en 2023 (+4% contre -11,3% en 2022), ce pourrait être dû à des éléments conjoncturels : moindre dépendance au gaz russe, contrats d’énergie long terme, bouclier tarifaire ?
Cette perte de compétitivité de la production européenne de matières plastiques se traduit par une balance commerciale, certes encore excédentaire, mais dont les excédents ont enregistré une baisse de 43% en 2 ans (2020 – 2022). D’ordre structurel, ce phénomène pourrait, à terme, compromettre la capacité des producteurs européens et de leurs partenaires aval à pleinement opérer leur transition circulaire.

La circularité des plastiques enregistre des progrès notables en Europe


Principal enseignement du rapport, en Europe, la production de recyclé post-consommation a connu une hausse de + de 57,1% en 4 ans (de 4,9Mt / 2018 à 7,7 Mt / 2022 entre 2018 et 2022), alors même que la production de matières plastiques enregistrait une baisse de 5,6%.

En parallèle, l’incorporation de recyclé post-consommation dans tous les secteurs, a enregistré une augmentation de 70% pour atteindre une moyenne de 12,6% de matières plastiques incorporées dans les produits, soit 6,8 Mt (même période). Si cette dynamique se maintient, l’objectif de la Circular Plastics Alliance d’incorporer 10 Mt de plastiques recyclés en 2025 est atteignable.

L’ensemble des plastiques circulaires (recyclé post et pré-consommation + biosourcé + capture de carbone) a représenté 19,2% des matières plastiques utilisées en Europe (et 19,7% de la production) en 2022.

Que ce soit pour les déchets post-consommation au global ou pour les seuls déchets d’emballage, les volumes collectés séparément ont été pour la 1ère fois supérieurs à ceux collectés en mélange. Ce qui a nul doute contribué à ce que, pour la 1ère fois aussi, le taux de recyclage (26,9%) des plastiques a enfin dépassé celui de leur mise en décharge (25%).


La collecte, vrai maillon faible de la circularité dans une France qui marque néanmoins quelques bons points

A l’opposé, en France, le volume des déchets post-consommation collectés en mélange est toujours bien supérieur (2,315 Kt) à celui de la collecte sélective (1,760 Kt). En conséquence, la courbe du recyclage, bien qu’elle progresse (20,5%) n’a toujours pas croisé celle de la mise en décharge, sauf, de peu, pour l’emballage.


Alors que dans l’Hexagone, seul 1,7% des déchets plastiques collectés en mélange est recyclé contre 45,3% de ceux issus de la collecte sélective, la généralisation de cette même collecte sélective apparait, là comme partout en Europe, comme un des défis majeurs de la transition circulaire de tout l’écosystème.

Les chiffres de la collecte contrastent avec les bonnes performances nationales en matière d’incorporation de recyclé post-consommation. Avec un taux moyen de 12,3%, l’Hexagone fait jeu quasi égal avec l’Europe (12,6%). Dans certains segments (emballage, automobile, équipements de la maison et EE&E), ce taux est même supérieur. Au total, les volumes incorporés ont presque doublé en 4 ans. Soulignons que cette progression de 87,5% est plus importante que les 70% comptabilisés pour l’Europe.

Ces résultats expliquent que la part des plastiques circulaires dans la production (18,3%) et dans la transformation (18,7%) nationales de matières plastiques soit également proche des valeurs enregistrées au niveau européen.


Un cadre réglementaire encore inadapté et pas toujours cohérent


Si les chiffres 2022 montrent que le virage de la circularité est clairement pris et s’intensifie, beaucoup d’interrogations perdurent.

En premier lieu, la dégradation structurelle de la compétitivité de l’industrie européenne des matières plastiques, essentiellement face aux US et à la Chine, appelle à des mesures urgentes afin de préserver l’outil industriel et les capacités d’investissements sans lesquels la transition circulaire ne pourra se faire.

L’acceptation du recyclage chimique, un accès facilité à la biomasse et aux gisements à recycler, l’imposition de taux obligatoires d’incorporation de matières plastiques circulaires qui tirent ces nouveaux marchés sont parmi les blocs constitutifs d’un cadre réglementaire propre à déclencher les investissements des industriels, mais qui, pour l’heure, tardent à être mis en place. Sans leur adoption, c’est l’ensemble de l’écosystème des plastiques qui ne pourra atteindre les objectifs ambitieux de l’Union en matière de circularité et de décarbonation.

Pour investir dans la transition circulaire, les producteurs de matières plastiques, mais aussi leurs partenaires de la chaine de valeur, ont besoin de visibilité à long terme. Celle-ci n’est non seulement pas encore là, mais l’horizon est brouillé par un plastic bashing de plus en plus prégnant. Il se traduit par des politiques publiques (objectif 2040 de la loi AGEC de fin de mise sur le marché d’emballages à usage uniques, interdiction des emballages à usage unique pour les fruits & légumes, absence de neutralité entre matériaux…) incohérentes avec ces mêmes politiques publiques en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire, contre la production de déchets ou encore de décarbonation…

Pour Jean-Yves Daclin, Directeur général de Plastics Europe pour la France : « Dans un contexte de compétitivité fragilisée, notre industrie enregistre des progrès importants tant du côté du recyclage que de l’incorporation de recyclé dans les produits. L’objectif de la Circular Plastics Alliance de 10Mt incorporé en 2025 est à notre portée. La dynamique est donc bien là, mais elle exige d’être soutenue par un cadre réglementaire adapté et cohérent qui tarde à émerger. Nous allons continuer à dialoguer avec nos partenaires de la chaine de valeur et les autorités publiques car ce n’est qu’ensemble que nous pourrons atteindre un écosystème européen des plastiques qui soit circulaire et zéro émission nette3 ainsi que proposé dans notre feuille de route pour 2050 The Plastics Transition. »

Le rapport The Circular Economy of Plastics: A European Analysis est accessible ici.


1 Hors recyclé pré-consommation
2 27 états membres de l’Union Européenne + Norvège + Royaume Uni + Suisse
3 Voir pour rappel The Plastics Transition